Réconcilier performance et santé, est-ce possible?


Le bonheur comme boussole de l'excellence.


Les chiffres relatifs au stress sont édifiants: nous sommes face à un fléau sans précédent. Le drame est humain, financier, sociétal. Pourtant, notre société exige de nous une performance sans faille. Etre au top de sa forme et de ses capacités est aujourd'hui perçu comme la norme. Or, tant la science moderne que les arts traditionnels comme la méditation nous prouvent qu'il n'en est rien.

Cognitivement parlant, nous sommes des sprinters, pas des marathoniens.

L'humain est physiologiquement incapable d'être tout le temps sur la brèche. Il est fait pour l'alternance d'activité et de repos. Dans la même veine, les connaissances actuelles en neurologie et en endocrinologie nous montrent que performer passe aussi par le plaisir et la joie. En comprenant notre fonctionnement, nous pouvons donc vivre pleinement notre meilleur niveau et cultiver notre bien-être.

Alors qu'est-ce qui nous limite?
J'aimerais aujourd'hui, plutôt que d'amener des généralités sur le stress et sa prévention, vous parler d'un point précis qui est à mon avis une des sources possibles de notre épidémie de burnout. En accompagnant concrètement les personnes comme les équipes ou les organisations depuis plusieurs années maintenant, je suis frappé par la récurrence d'une croyance. Bien sûr elle est formulée différemment à chaque fois, mais pointe systématiquement la même chose. Pour beaucoup de personnes, réussir, c'est souffrir. Dès lors, il parait logique que performance et bien-être semblent résolument incompatibles. Alors est-ce bien vrai? Est-ce que pour être bon je dois nécessairement être mal en point?
Non, pas vraiment, même si l'excellence implique l'effort, cela ne veut pas dire nous devons être dans cette frénésie qui caractérise notre époque.

Pour changer cela, plutôt que de stigmatiser le stress, peut-être qu'il serait intéressant de nous atteler à démontrer que bonheur = performance. En d'autres termes, que nous pouvons mener un carrière et être heureux.
Ou mieux encore, que les signaux de plaisir et de joie peuvent nous servir de boussole pour sentir ce qui est optimal pour nous. Je m'explique:

Comme je le répète très (trop? :-) ) souvent dans mes interventions: nous sommes naturellement taillés pour la survie. Or, et pour vous la faire courte, le plaisir et la joie sont profondément liés à l'acquisition de ce qui est bon pour la survie de notre petite personne, mais aussi de l'espèce. Je vous invite à ce propos à lire "Leaders Eat Last" de Simon Sinek, qui est une excellente vulgarisation de ce point précis.

4 grandes notions permettent à l'humanité d'être toujours sur cette belle planète: la motivation, l'endurance, le leadership et la solidarité. et ces 4 piliers sont soutenus par notre physiologie même. Nos systèmes nerveux et endocriniens se donnent énormément de peine pour associer des sensations agréables aux actions qui nous font progresser vers un objectif (motivation), exprimer nos talents et être reconnus par les autres (leadership), nous dépasser dans l'effort (endurance) et nous serrer les coudes face à l'adversité (solidarité).
Cela signifie concrètement que lorsque ces 4 piliers sont forts, nous nous sentons bien. Une variation indique donc potentiellement que nous devons rectifier la barre pour maintenir notre niveau d'excellence individuel et collectif. Par exemple, si nous sommes dans un groupe perçu comme sécurisant, nous nous sentons bien et pouvons orienter notre effort sur les enjeux extérieurs, sans perdre de l'énergie à nous protéger inconsciemment (ou très consciemment) de l'équipe.
Grâce à ces 4 directions, un manager peut donc optimiser en permanence l'atmosphère de son équipe pour maintenir l'écosystème permettant la très haute performance.

A ce propos, la solidarité est donc tout sauf un truc de bisounours ou de néo-hippie, sans elle, Nos aïeux cro-magnon n'auraient eu personne pour veiller sur eux pendant leur sommeil et se seraient probablement fait bouloter par un prédateur en quête d'un en-cas. Ramenons cela au monde moderne: que se passe-t-il quand l'individualisme règne au sein de notre équipe? C'est très simple, la solidarité étant absente, vous sommes en mal d'ocytocine, la substance du lien, celle qui fait qu'on se sent durablement bien et en sécurité avec les autres. Donc, aux enjeux extérieurs s'ajoute un malêtre physique qui va nous empêcher de faire face aux challenge du quotidien. Moralité, plus l'équipe est soudée, plus les collaborateurs seront heureux et donneront leur meilleur. L'émulation remplace alors la compétition.

Pour résumer:tendre vers le bonheur, réduire la douleur, est inscrit dans nos gènes.

Si nous intégrons ceci dans nos vies, qu'est-ce que çA signifie?
Pour allier performance, joie et santé, nous pouvons développer des actions spécifiques visant, en plus de notre culture axée sur le dépassement de soi et le challenge, développer l'inclusivité et le lien humain dans les équipes. Si les leviers d'action efficaces sont à étudier au cas par cas mais sur le terrain j'ai pu constater que ce qui fonctionne le mieux est ne pas miser sur l'approche intellectuelle pure et de travailler simultanément:

Le corps: découvrir comment je me sens. Prendre conscience que mon ressenti physique influe sur ma perception du monde
Les émotions: comment je colore mon monde
Le mental: est-il à sa place? Questionner sa toute puissance (je suis super bon intellectuellement parlant, alors pourquoi est-ce que je ne contrôle pas mon stress, mes émotions, etc?)
Les relations: Comment je consolide les groupes auxquels j'appartiens. Comment je valorise l'autre? Comment je soutiens l'esprit de corps?


Pour terminer, il paraît clair que nous pouvons maintenir une niveau de performance exceptionnel en respectant notre nature profonde . Pour cela, nous pouvons prendre en compte l'humain pour ce qu'il est réellement et pas simplement pour un mental pur, profondément logique, apte à tout contrôler. Nous ne somme pas cela. Nous sommes des créatures sociales , notre corps façonne ce que nous percevons et comment nous le percevons. Ne pas le prendre en compte, c'est en fait réduire notre performance. C'est dommage, car nous sommes capables de tellement plus!

Xavier Riou